Ce boom du CBD dans les cosmétiques: 580 millions d’euros en Europe et une promesse encore fragile en 2025
Mis à jour le 5 novembre 2025Huiles, crèmes, baumes: le CBD gagne du terrain dans la salle de bain. Derrière l’effet tendance, où en est-on vraiment ?
Le cannabidiol, extrait du chanvre et dépourvu d’effet psychotrope, s’invite désormais dans des crèmes, huiles et sérums. Le marché européen a déjà dépassé 580 millions d’euros en 2022, d’après des données sectorielles, et l’attrait ne faiblit pas. En 2025, la France regarde ce mouvement avec intérêt… et prudence.
Car ce succès commercial s’accompagne d’un cadre juridique précis et d’interrogations scientifiques. L’Union européenne autorise le CBD en cosmétique sous conditions, tandis que les preuves cliniques, elles, tardent à convaincre. La suite se joue sur trois fronts.
Usages et promesses du CBD dans les soins: ce que contiennent vraiment les flacons
Dans les rayons, le CBD se décline en huiles visage, crèmes hydratantes, baumes ciblés et sérums concentrés. Les marques mettent en avant des effets apaisants, antioxydants et anti-inflammatoires. Les formules associent souvent huile de chanvre riche en acides gras et cannabidiol sous forme isolée ou extrait à spectre large. Les concentrations annoncées vont le plus souvent de 100 à 1000 mg par flacon.
Une crème de nuit au CBD, un baume de massage pour la récupération ou un sérum visage figurent parmi les best-sellers. En France, l’ensemble du marché des produits dérivés du chanvre pèse environ 80 millions d’euros, avec une offre dispersée entre e-commerce, magasins bio et distribution sélective. Et pourtant, beaucoup de références ne disposent pas d’évaluations cliniques indépendantes.
Pour s’y retrouver, quelques repères aident à faire le tri avant d’acheter:
- mention d’une absence de THC détectable et concentration de CBD en mg, origine et traçabilité (idéalement bio certifiée), analyses de lots publiées, notification sur le portail européen CPNP
Réglementation, THC indétectable et traçabilité: ce détail qui peut faire décoller les cosmétiques au CBD
Le feu vert européen date de 2020: le CBD est autorisé en cosmétique s’il provient de variétés de chanvre approuvées et s’il ne contient pas de THC détectable. La France a transposé ces règles, avec une surveillance serrée de l’ANSM. Résultat: obligation de notifier chaque produit sur le CPNP et de démontrer une chaîne de contrôle sans faille.
Cette exigence pèse sur les coûts de fabrication et sur la logistique, ce qui influence le prix final en rayon. Les laboratoires qui jouent la transparence publient des analyses d’ingrédients et revendiquent une origine bio certifiée. D’autres préfèrent éluder le mot CBD au profit d’un sobre “extrait de chanvre”, pour éviter l’amalgame avec le cannabis récréatif. Les grands groupes, eux, observent le marché plus qu’ils n’investissent, en attendant une clarification durable. Les marques ont parfois réussit à rassurer avec des preuves de traçabilité, sans combler toutes les attentes.
Prix, preuves cliniques et nouvelles formules: ce qui peut tout changer chez les consommatrices en 2025
Le profil d’acheteurs se dessine: des utilisateurs en quête de naturalité, attentifs aux compositions courtes et aux labels, avec, selon Statista, 67 % qui priorisent les certifications bio et les listes d’ingrédients courtes. Le prix reste un frein majeur: un sérum de 30 ml s’affiche souvent entre 35 et 80 euros, soit bien au-dessus d’un soin végétal classique, en raison des coûts d’extraction et d’un positionnement plus premium.
Sur l’efficacité, le débat reste ouvert. Une méta-analyse publiée dans le Journal of Dermatological Science signale l’absence de consensus sur les bénéfices dermatologiques du CBD en application locale. Des dermatologues, cités par la Société française de dermatologie, pointent aussi le manque d’essais randomisés en double aveugle. En clair, les mécanismes d’action supposés, notamment via le système endocannabinoïde cutané, demandent des preuves supplémentaires pour convaincre au-delà d’un effet apaisant perçu.
Reste que l’innovation continue. Certaines formules marient CBD et acide hyaluronique, rétinol ou vitamine C, pour répondre aux attentes anti-âge et éclat. Le segment visage progresse vite, avec contours des yeux et crèmes de nuit, tandis que les baumes corps ciblant la récupération séduisent aussi les sportives. Quelques marques introduisent même le CBG, autre cannabinoïde non psychotrope, pour se différencier. Les textures légères, les packagings éco-conçus et un discours de transparence s’imposent.
Cette dynamique se mesure: d’après Mintel, les lancements de cosmétiques au CBD en Europe ont grimpé de 42 %. Mais le chemin vers le grand public comporte encore des obstacles. Stigmatisation persistante du mot cannabis, réseaux de distribution limités en GMS et en pharmacies, ruptures de stock ponctuelles liées à l’approvisionnement. Tant que les autorités n’auront pas vraiment posé un cadre lisible et que des essais cliniques solides ne seront pas publiés, l’essor restera freiné.