Ce ciment vivant qui transforme les murs en batteries : 10 kWh stockés, 44 LED allumées, une piste sérieuse pour nos maisons

Mis au point au Danemark, un nouveau matériau fait parler de lui. Il change notre vision des murs et de l’énergie.

En 2025, la chasse au kilowatt perdu bouscule le bâtiment. Isolation, autoconsommation, pilotage fin des usages… une autre brique manquait pour stabiliser l’électricité sur place: le stockage d’énergie dans la structure même des murs. Une équipe internationale propose une piste inattendue, entre science des matériaux et biologie.

Ce ciment vivant, mis au point à l’Université d’Aarhus avec l’appui de l’université de Chongqing Jiaotong, se comporte comme un supercondensateur… sans cesser d’être un vrai béton. Autrement dit, il supporte les charges et stocke un courant utilisable. L’idée intrigue déjà les acteurs du bâtiment en France. Et pour cause.

Le ciment vivant validé par la science : ces chiffres qui bousculent le béton

Publiée dans la revue Cell Reports Physical Science, l’étude détaille un ciment biohybride qui agit comme un supercondensateur. La clé: l’intégration de la bactérie Shewanella oneidensis, connue pour transférer ses électrons vers des surfaces externes. Enrichi en sulfate de sodium, le mélange génère un courant tout en restant un matériau de construction solide.

Qu’apportent les tests? D’après Science & Vie, un kilo de ce ciment fournit assez d’énergie pour alimenter 44 ampoules LED. Sa densité énergétique atteint 178,7 Wh/kg, avec une plage de fonctionnement annoncée entre -15 °C et 33 °C. Après 10 000 cycles de charge-décharge, il conserve 85 % de sa capacité. Un niveau de tenue qui, sur le papier, rivalise avec bien des solutions stationnaires déjà déployées.

Au-delà de la performance, les chercheurs ont pensé la biologie dans la durée. Même lorsque les micro-organismes meurent, le ciment garde des propriétés énergétiques utiles, indique Ok Diario. Les auteurs ont intégré un réseau microfluidique pour alimenter la colonie en nutriments. Résultat: le matériau peut être rechargé, tant électriquement que biologiquement.

Dans un communiqué, Qi Luo, chercheur à l’Université d’Aarhus et auteur principal, résume la philosophie du projet par ces mots: "combiner structure et fonction". Autrement dit, fusionner la résistance mécanique du béton et la capacité à stocker l’électricité. Et il précise l’objectif: créer un ciment "capable de supporter des charges, de stocker de l’énergie et de retrouver ses performances lorsqu’il est alimenté en nutriments". De quoi donner des idées aux maîtres d’ouvrage français, séduits par les solutions locales et modulaires.

  • Un kilo alimente 44 LED; densité de 178,7 Wh/kg; tenue annoncée de 85 % après 10 000 cycles, entre -15 °C et 33 °C.

Vers des murs-batteries dans nos immeubles : ce que Qi Luo veut tester sur le terrain

Quelle utilité concrète, chez nous? Les chercheurs cités par Ok Diario évoquent un jalon parlante: un bâtiment entièrement coulé avec ce ciment pourrait stocker jusqu’à 10 kWh, de quoi faire fonctionner un serveur informatique pendant une journée. Pour des bureaux ou une copropriété équipée de panneaux solaires, ce tampon local facilite l’autoconsommation et écrête les pics. Et le matériau s’affranchit du lithium ou du cobalt, en recourant à des composants plus abondants et non toxiques.

Sur le terrain, l’intégration compte autant que la performance. L’équipe imagine déjà des ouvrages entiers intégrant ce ciment: murs, fondations, passerelles, éléments de structure proches des sources et usages d’électricité. Qi Luo et ses collègues se projettent sans détour: "d'intégrer cette technologie dans des bâtiments réels, dans des murs, des fondations ou des ponts, où elle pourrait soutenir des sources d'énergie renouvelables". L’ambition colle aux attentes du marché français, où l’on cherche à lisser la production solaire et à sécuriser les usages sensibles, du froid alimentaire à l’IT de proximité.

Reste à passer du labo au chantier. Les règles de mise en œuvre, la durabilité en milieu humide, la compatibilité avec les armatures ou les traitements antipollution du béton devront être évaluées. À tester en conditions réelles pour confirmé la durabilité. Et pourtant, un atout ressort d’emblée: l’énergie n’est plus rangée en cave, elle est disséminée au plus près des besoins.

Dernier point qui parle aux maîtres d’œuvre: le coût et l’empreinte. Les auteurs mettent en avant des composants abondants et peu coûteux, sans métaux critiques. En France, où la rénovation thermique avance quartier par quartier, cette approche pourrait s’intégrer à des projets pilotes: petites surfaces stockantes, dalles techniques énergétiques, ponts instrumentés. Et si les murs, au lieu de seulement porter, devenaient aussi des réserves d’électricité au quotidien?