Un jardin calme, des pierres tièdes au soleil, un mur habillé de vert. Rien d’inquiétant en apparence. Puis un frisson: une silhouette sinueuse s’éclipse entre les feuilles. Le décor idéal pour un serpent se cache souvent dans une plante décorative que l’on adore voir grimper.

Le retour des beaux jours réveille tout le petit monde du jardin. Insectes, lézards, rongeurs… et leurs prédateurs. Parmi eux, les serpents s’invitent parfois près des maisons, attirés par un refuge frais, des proies faciles et un couvert végétal où disparaître d’un éclair. Derrière ces conditions parfaites se trouve souvent une star des clôtures et des murets: le lierre. Esthétique, persistant, facile, il transforme un angle banal en coin de nature. Mais son tapis dense et ses draperies sombres composent aussi un hôtel quatre étoiles pour les espèces opportunistes. Et si le danger venait d’une plante décorative ?

Le lierre, abri rêvé pour les serpents… et leurs proies

Le lierre (Hedera helix) tisse des nappes épaisses et fraîches qui gardent l’humidité, amortissent la chaleur et offrent mille cachettes. Sous ce couvert, rongeurs, lézards et grenouilles circulent en paix, laissant des pistes et des odeurs irrésistibles. Cette plante, c’est le lierre (Hedera helix). Pour un serpent, c’est l’assurance d’un gîte discret et d’un garde-manger à portée d’écailles. Les murets habillés, les tas de bois enlacés et les haies envahies deviennent des corridors parfaits jusqu’aux abords de la terrasse.

Les faits sont têtus. Selon l’INPN (MNHN), la France métropolitaine abrite 12 espèces de serpents, toutes protégées, dont 4 vipères venimeuses. Le MNHN décrit la couleuvre à collier (Natrix helvetica) comme fréquente près des points d’eau, où elle chasse amphibiens et têtards, souvent dans des jardins. La Royal Horticultural Society rappelle que les couverts végétaux denses, comme le lierre, servent d’abri à une grande diversité de faune, reptiles inclus. En clair: multiplier les cachettes et les proies au même endroit, c’est dérouler le tapis rouge.

La mécanique est simple. Les serpents ne cherchent pas “la plante”, ils cherchent ce qu’elle crée: des zones stables pour se thermoréguler, des interstices pour se tapir, des proies à portée. Le lierre remplit ce trio: microclimat, structure, biomasse. Placé contre un mur qui garde la chaleur, il forme une coulisse idéale vers les seuils et soupiraux. On a tous déjà vécu ce moment où l’ombre file dans l’herbe et le cœur accélère. Le risque grimpe quand ce couvert grimpe… jusqu’à la maison.

Que faire au jardin, concrètement ?

Agir vite, mais bien. Pour le lierre sur mur: sectionner toutes les tiges au ras du sol, laisser sécher 2 à 3 semaines, puis détacher délicatement sans arracher le crépi. Sur clôture ou au sol: travailler par plaques, de l’extérieur vers l’intérieur, gants épais et chaussures montantes. Coupez tout ce qui rampe vers la maison à 50 cm du sol et des murs. Installer une bande minérale de 30 à 50 cm (graviers roulés) au pied des façades limite les cachettes et réduit l’humidité, deux signaux dissuasifs.

Les erreurs classiques? Tout arracher en une fois et créer un chaos de refuges au mauvais moment, ou bien brûler les déchets verts. Mieux vaut planifier sur plusieurs jours et évacuer en sacs fermés. Soyons honnêtes : personne ne fait vraiment ça tous les jours. Alors viser l’essentiel: dégager les accès, aérer les bases de haies, remiser le tas de bois à l’écart. Pas de produits chimiques près des points d’eau: c’est dangereux et inutile. Et garder un œil sur les murets de pierres sèches, champions des anfractuosités.

Le maillon manquant, c’est la gestion des proies. Un compost ouvert, des graines d’oiseaux qui tombent, un abri à rongeurs sous la terrasse: c’est la cloche du dîner. Fermer le compost, poser un plateau récupérateur sous la mangeoire, ranger les sacs de graines en caisse hermétique, colmater les jours sous les portes de cave. Déplacer l’îlot “sauvage” — lierre, tas de bois, herbes hautes — au fond du terrain, loin des passages. Et pour les jardins avec bassin, tailler une “fenêtre” dégagée autour, histoire de casser la continuité du couvert.

Et si on changeait le regard ?

Le lierre n’est pas “mauvais” en soi, et les serpents ne sont pas les méchants du jardin. Ce sont des alliés contre les rongeurs, des indicateurs d’un milieu vivant. La vraie question n’est pas “comment les éradiquer”, mais “où accepter leur présence et où sécuriser”. Respirer, ne pas paniquer. Déplacer le lierre décoratif loin des zones de vie, créer une bande claire autour de la maison, protéger la cave et le garage: ce curseur suffit souvent. En cas de découverte, garder ses distances, photographier pour identifier via l’appli INPN Espèces ou un groupe herpétologique local, et contacter une association si nécessaire. Arracher le lierre aux abords, réorganiser les refuges, couper la chaîne alimentaire: trois leviers simples qui changent tout. Et dans cette conversation, chacun a son mot à dire: voisins, enfants, jardiniers. Qui sait, cette prise de conscience collective évitera bien des frayeurs… et nourrira des échanges utiles au quartier.

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