Poêles à bois : un avertissement relancé cet hiver face à un risque souvent ignoré

Le feu qui crépite rassure et réunit. Des chiffres discrets viennent pourtant contrarier cette image, quand l’air se charge sans bruit.

De nouvelles données bousculent l’usage de la flambée d’ambiance. Elles relient la combustion domestique de bois et de charbon à des maladies chroniques et à des décès évitables, surtout quand la saison froide enferme tout le monde à l’intérieur.

Ce que disent les chiffres cet hiver

Une évaluation conduite au Royaume-Uni relie l’usage de combustibles solides au domicile à une charge sanitaire mesurable. Les analystes estiment environ 2 500 décès chaque année, mais aussi des milliers de diagnostics supplémentaires de diabète et d’asthme. Les particules fines émises par la combustion, en particulier les PM2,5, expliquent l’essentiel du risque.

Chaque année, feu de bois et charbon domestiques seraient associés à environ 2 500 morts, 3 700 cas de diabète et 1 500 d’asthme.

Ces estimations sous-représentent l’exposition réelle. La plupart des calculs reposent sur la pollution extérieure. Or, dans les logements équipés, les concentrations grimpent pendant l’allumage, la flambée et longtemps après l’extinction, avec des pics sous-estimés par les capteurs urbains.

Des particules fines qui traversent le corps

Les PM2,5 pénètrent les poumons, franchissent la barrière alvéolaire et circulent dans le sang. Elles déclenchent une inflammation persistante, augmentent la pression artérielle et sollicitent le cœur. Chez les personnes fragiles, elles favorisent des décompensations. Plusieurs équipes comparent désormais certains effets observés à ceux du tabagisme passif.

Aucun niveau d’exposition aux PM2,5 ne peut être qualifié de sans risque pour la santé.

Plainte des voisins, sanctions qui peinent à suivre

Les collectivités reçoivent des signalements par milliers pour des fumées gênantes. Dans le même temps, les amendes restent rares, malgré des dispositifs de contrôle local. Ce décalage nourrit un sentiment d’impunité, alors que la pollution traverse cloisons et fenêtres et s’infiltre chez les voisins.

Des modélisations montrent qu’une application stricte des règles existantes éviterait chaque année plusieurs centaines de décès, tout en réduisant les dépenses de santé. Les gains sont concrets, mais l’usage se diffuse plus vite que les contrôles.

Mesure Effet attendu Pourquoi ça compte
Renforcer les zones de contrôle des fumées ≈ 320 décès évités/an Économies de santé estimées ≈ 11 millions de livres
Inspections régulières et sanctions effectives Moins d’émissions dans les rues Les plaintes dépassent largement les amendes
Information claire du public Baisse des flambées de confort Impact rapide, coûts faibles

Ce que révèle la fonction respiratoire chez les aînés

Des chercheurs ont suivi environ 11 000 adultes âgés en Angleterre. Un sous-groupe de plus de 1 700 volontaires a réalisé des tests répétés sur huit ans, centrés sur le volume expiré en une seconde (FEV1), marqueur clé du souffle.

Chez les 70-79 ans qui utilisent un poêle ou un foyer à bois, la perte moyenne de FEV1 atteint 0,12 litre, contre 0,07 litre chez les non-exposés. La différence paraît modeste une année donnée, mais elle s’additionne. Elle signifie plus d’essoufflement, plus d’exacerbations d’asthme et une réserve respiratoire affaiblie à long terme.

Chez les septuagénaires exposés au feu de bois, la baisse du FEV1 approche le double de celle des non-exposés.

Le phénomène gagne du terrain. La part des foyers brûlant du bois est passée d’environ 10 % au milieu des années 2000 à près de 18 % ces dernières années. Les émissions issues des poêles ont presque doublé depuis 2009, en dépit de l’essor d’appareils annoncés comme plus performants.

Un feu de confort devenu urbain

Le poêle à bois ne se cantonne plus aux campagnes. Il s’installe dans des quartiers urbains aisés, y compris là où la réglementation limite les fumées. Les raisons invoquées relèvent souvent du confort visuel et de l’ambiance, plutôt que d’une nécessité de chauffage. Cette normalisation a un effet de voisinage : la fumée d’un logement traverse facilement vers les autres, et élargit l’exposition à ceux qui ne brûlent rien.

Réduire le risque chez soi

Certains gestes diminuent l’empreinte sanitaire d’un appareil existant. La solution la plus protectrice reste de s’abstenir de brûler du bois en ville ou lors d’épisodes de pollution. Quand le feu s’impose, la rigueur technique fait la différence.

  • Écarter les foyers ouverts ; un poêle fermé récent émet beaucoup moins qu’une cheminée traditionnelle.
  • Choisir du bois sec avec ≤ 20 % d’humidité ; utiliser un humidimètre, bannir tout bois traité, verni ou peint.
  • Faire ramoner et entretenir le conduit chaque année ; réduire les dépôts de créosote et le risque d’incendie.
  • Allumer par le haut avec petit bois sec ; la combustion devient plus complète, les fumées diminuent.
  • Aérer après extinction, et privilégier un purificateur d’air à filtre HEPA dans la pièce de vie.
  • Installer un détecteur de monoxyde de carbone, en plus du détecteur de fumée.
  • Éviter les flambées lors des pics de particules ; prévenir les voisins vulnérables (asthme, BPCO, nourrissons).
  • Comparer les alternatives : pompe à chaleur, réseau de chaleur, granulés certifiés, convecteurs d’appoint performants.

Une bûche trop humide ou un tirage mal réglé multiplie les particules et le monoxyde de carbone dans la pièce.

Les leviers publics à activer vite

Donner des moyens de contrôle aux communes change la donne : capteurs de quartier, inspections programmées, sanctions graduées. Des aides à l’achat devraient cibler les appareils réellement sobres en conditions réelles, avec des tests indépendants et des filtres adaptés.

Remplacer en priorité les anciens poêles dans les zones denses diminue la pollution locale. Les médecins demandent d’ajouter l’usage d’un poêle à l’interrogatoire des patients présentant un déclin respiratoire inexpliqué ou des exacerbations répétées.

Pourquoi le risque reste méconnu

Le feu de bois brouille les repères. Il associe chaleur, convivialité et nature, alors qu’il produit des polluants invisibles. Les appareils écoconçus réduisent les émissions en laboratoire, mais l’usage réel — bois trop humide, tirage irrégulier, entretien espacé — annule souvent le bénéfice attendu. Les logements mal ventilés amplifient les concentrations intérieures.

Le bois demeure l’une des premières sources de PM2,5 en zone résidentielle. Le cœur, les vaisseaux et le métabolisme subissent eux aussi cette exposition répétée, au-delà des seules bronches. L’effet cumulatif se voit sur des années, ce qui rend le danger moins perceptible à court terme.

Des repères concrets pour suivre son exposition

Un capteur de particules basse consommation donne une tendance utile dans un salon. Relever la PM2,5 pendant l’allumage, au plus fort de la flambée puis deux heures après permet d’ajuster ses pratiques. Noter aussi toux, irritation des yeux, sifflements ou gêne respiratoire le lendemain guide les choix d’horaires, de bois et de fréquence.

Un test simple consiste à alterner une semaine avec feu quotidien et une semaine sans, à confort équivalent, puis à comparer les mesures et le ressenti. Beaucoup constatent une baisse nette des particules et des symptômes en réduisant la fréquence, en séchant mieux le bois ou en allumant par le haut.

Aller plus loin sans fumée

Gagner en confort passe aussi par la performance du logement : joints de fenêtres refaits, rideaux épais, thermostats programmables, purge et dépoussiérage des radiateurs. Ces gestes coûtent peu et réduisent la facture énergétique sans ajouter de particules. En parallèle, vérifier la ventilation mécanique et les entrées d’air évite l’accumulation de polluants intérieurs, y compris le monoxyde de carbone.

Pour les personnes sensibles, la combinaison suivante protège le mieux : pas de feu les jours stables et froids avec brouillard, bois très sec, flambées courtes et actives plutôt que braises qui durent, pièce ventilée après extinction et entretien rigoureux du conduit. Ce trio réduit l’odeur de fumée, les dépôts noirs sur les surfaces et les pics de PM2,5 dans la maison.